L'objectif principal du projet Justitia 4.0 est une justice numérique sûre - afin que le chemin vers le droit ne passe plus par des montagnes de papier. En outre, la numérisation de la justice suisse offre de nombreux autres potentiels pour tous les acteurs de la procédure : d'une collaboration plus efficace entre les autorités judiciaires et les avocats, en passant par des économies de temps lors de la recherche dans les dossiers, jusqu'à l'augmentation de l'attractivité de la branche pour les jeunes faisant leur entrée sur le marché du travail et qui ont grandi avec les outils informatiques et Internet.
De nombreux cabinets d'avocats sont déjà passés au numérique, gèrent leurs dossiers de manière électronique et effectuent leurs saisies par voie électronique. Quels sont les avantages de cette méthode de travail ? Quels ont été les défis à relever lors du passage au numérique ? L'avocat Claude Nicati et la jeune avocate Cloé Dutoit de l’étude d’avocats NVLE de Neuchâtel donnent leur point de vue et expliquent pourquoi seule une solution nationale pour la numérisation de la justice suisse est une solution judicieuse.
La transformation numérique touche tous les aspects de notre vie. Les compétences dans le maniement et l’utilisation des instruments numériques augmentent constamment : cela vaut pour la population et l'économie, comme pour les autorités. De ce fait, les attentes de l'économie et de la société envers les autorités judiciaires (tribunaux et ministères publics) augmentent aussi ; elles veulent pouvoir échanger numériquement de bout en bout avec les autorités judiciaires et profiter des avantages que la numérisation leur offre. La crise du coronavirus a encore accéléré cette évolution. En outre, la justice est de plus en plus souvent confrontée à des faits et des preuves numériques (p. ex. des vidéos sur Internet). Dans cet environnement qui se digitalise constamment, la justice doit également s’adapter. Avec le projet Justitia 4.0, nous faisons avancer la transformation numérique de la justice suisse.
La transformation numérique au sein de l'administration est en cours. Au cours des dernières années, de nombreux services administratifs ont mis en place des services numériques, sont passés des dossiers papier aux dossiers électroniques et offrent des prestations de services numériques de bout en bout (mot-clé : e-government) aux citoyennes et citoyens. De même, de nombreux cabinets d'avocats utilisent déjà les possibilités offertes par la numérisation pour rendre leur travail plus efficace. Mais aujourd'hui, l'utilisation de la signature numérique reste compliquée. Des moyens de communication alternatifs et peu sûrs sont parfois utilisés. Il y a souvent des ruptures de médias lors de la saisie des données. Pour pouvoir exploiter les potentiels de la transformation numérique, il est nécessaire de mettre en place un système commun.
Les organisations des autorités judiciaires des cantons et de la Confédération sont fédérales et conçues différemment. D’une part, le degré de maturité au niveau de la transformation numérique varie d’une organisation à l’autre, d’autre part, une multitude de systèmes informatiques différents sont utilisés. Le projet Justitia 4.0 en tien compte et aborde le sujet de manière globale et par étapes. L’introduction de nouveaux logiciels ne suffit pas à la transformation numérique de la justice. Il faut plutôt des solutions qui simplifient efficacement la collaboration entre tous les acteurs et qui tiennent compte des systèmes déjà utilisés.
Dans l’ensemble, les montagnes de papier dominent (encore) au sein de la justice suisse (en 2020 seuls 1,5 pourcent des envois étaient effectuées par voie numérique). Pour le secteur, le travail avec le papier est associé à beaucoup de tradition, d’estime et à l’expression de la qualité, de la sécurité et de la fiabilité. Il existe néanmoins des inconvénients : les collaborateurs passent beaucoup de temps à chercher, trouver et copier des dossiers. La gestion des dossiers papier (pagination, datation et distribution) prend du temps. Les dossiers papier rendent impossible une recherche plein texte simple, ainsi que le travail collaboratif et simultané sur le dossier ce qui complique les tâches.
La pression sur les coûts et les délais qui pèse sur les tribunaux et les ministères publics souligne la nécessité de gagner en efficacité par le biais de la gestion électronique des dossiers et la transformation numérique.
L’accès à la justice est facilité grâce à la communication électronique. Cela permet également de répondre aux objectifs globaux de l'administration publique, qui visent à accroître l'efficacité et à se rapprocher des citoyennes et citoyens (stratégie eGov).
Le secteur de la justice doit également faire face aux attentes des natifs du numérique en matière d'emploi afin de rester attractif pour les talents à l'avenir. Travailler en partie indépendamment du lieu et de l'heure est désormais une attente de nombreux employés - et n'est aujourd'hui possible que dans une mesure limitée avec des dossiers papier dans le secteur de la justice.
La Suisse est connue dans le monde entier pour sa stabilité et sa sécurité juridique. Une justice numérique contribue à maintenir la réputation de la Suisse en tant que lieu de résidence et d’activité économique attractif et innovant. En comparaison européenne, la justice suisse est actuellement à la traîne en ce qui concerne le thème de la numérisation. Le projet Justitia 4.0 vise à combler ce retard.
La justice suisse doit pouvoir utiliser des méthodes de travail modernes, sécurisées et adaptées à notre époque, qui permettent de travailler indépendamment du lieu et de l’heure. Que ce soit au bureau, dans la salle d'audience ou à la maison, il est toujours possible d'accéder au dossier électronique. La communication électronique judiciaire élimine les retards et les asymétries d’information causés par l’échange postal et la transmission de documents et de dossiers entre les différents acteurs et organismes concernés.
En éliminant la coordination des activités administratives et logistiques (organisation du travail de photocopillage, mise à disposition et transfert de fichiers), il est possible de travailler de manière ciblée sur les questions de fond. Le passage au eDossier judiciaire ou l’introduction de la communication électronique dans le domaine judiciaire signifie que le transfert physique vers d’autres unités organisationnelles avec le travail et la logistique que cela implique n’est plus nécessaire. Les dépenses de matériel et d'expédition diminuent, de même que les ressources nécessaires, par exemple pour la préparation de la consultation des dossiers et pour l'archivage. Les capacités ainsi libérées peuvent être utilisées pour de nouvelles tâches nécessaires à la transition numérique.