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06.03.2025
Genève

Comment le Pouvoir judiciaire se prépare-t-il au passage au dossier judiciaire électronique

Pourquoi les autorités judiciaires devraient-elles investir tôt dans la numérisation de leurs processus de travail ? Quelles étapes mènent à un projet pilote réussi, et quels défis peuvent survenir ? Rémi Fillet est l'un des trois chefs de projet eDossier judiciaire au sein du Pouvoir judiciaire genevois et il est chargé des activités en lien avec Justitia 4.0. Dans le cadre de l'introduction du dossier judiciaire électronique, il explique comment l'équipe de projet genevoise a préparé le projet pilote de la plateforme justitia.swiss et quel rôle le soutien de Justitia 4.0 a joué dans ce processus.

Crédit : Emeric Caron

Des structures claires comme base

Dès la phase de planification du pilote de la plateforme justitia.swiss, il était clair pour Rémi Fillet qu'un projet de cette envergure nécessiterait des structures claires et une approche précise : « La première étape a été l'élaboration d'un mandat de projet afin de définir le périmètre et préciser la démarche envisagée pour ce pilote. » Le mandat a permis d'accorder l'ensemble des parties prenantes – du Tribunal civil aux services informatiques, en passant par les partenaires externes. En attendant l'entrée en vigueur de la LPCJ, il a également été défini que les dossiers devront être gérés en parallèle à la fois au format papier et électronique dans le cadre du pilote.

Par ailleurs, l'équipe de projet a rapidement impliqué le Tribunal civil, préalablement retenu comme juridiction appropriée pour participer aux tests. «Nous avons notamment identifié les cas d'usage, en se basant sur les fonctionnalités prévues dans les premières versions de la plateforme, et défini les participantes et participants. », explique Rémi Fillet. Ainsi, trois chambres du Tribunal de première instance se sont portées volontaires pour participer au pilote.

Dans le même temps, l'équipe du projet eDossier judiciaire a préparé l'intégration du gestionnaire d'identité utilisé par le Pouvoir judiciaire, en collaboration avec l'Office cantonal des systèmes d'information et du numérique (OCSIN). Les travaux d'analyse et de conception ont démarré rapidement, avec l'objectif de permettre aux utilisatrices et utilisateurs genevois de se connecter facilement et en toute sécurité avec leurs identifiants existants.

De l’existant au numérique : cartographier les processus de travail

Dans le cadre du projet eDossier judiciaire, les analystes et référents métier de l’équipe projet ont cartographié les processus de travail actuels mis en œuvre au sein des différentes juridictions du Pouvoir judiciaire. Pour le projet pilote, ils ont ensuite élaboré une proposition d’organisation du travail avec la plateforme justitia.swiss, en se basant sur leurs connaissances, sur son fonctionnement et sur les processus de travail actuellement en vigueur au sein de la juridiction pilote.

L'équipe de projet a ensuite affiné ces processus de travail avec les participantes et participants de la juridiction pilote. Ces processus ont été formalisés dans un document dédié au pilote plateforme établi selon le concept d'organisation du modèle défini par la méthode de gestion de projets Hermès. En fonction de l'expérience acquise pendant le pilote, ces processus pourront être ajustés dans le temps.

Pour le démarrage du pilote, l'équipe de projet et la juridiction pilote et les avocats impliqués ont convenu d'échanger les documents à la fois sous forme numérique via la plateforme justitia.swiss et sous forme papier. Une communication exclusivement numérique pourra cependant être mise en place après les premiers échanges. Le dossier complet sera lui toujours disponible en version papier. Enfin, la définition de cette organisation inclut aussi un dispositif de support aux utilisatrices et aux utilisateurs de la juridiction et aux avocates et avocats qui participent au pilote.

Une coopération étroite avec Justitia 4.0

Dès le début, la coopération étroite avec Justitia 4.0 a joué un rôle décisif, selon Rémi Fillet. L'équipe de projet nationale a soutenu le Pouvoir judiciaire genevois dans différents domaines d'action : de la documentation technique à la préparation de la demande d'autorisation auprès du Département fédéral de justice et police (DFJP). « Pour nous accompagner, Justitia 4.0 a élaboré un guide précisant la démarche à effectuer pour la rédaction de cette demande auprès de l’OFJ par les cantons pilotes et a fourni les documentations techniques nécessaires. », explique Rémi Fillet. La collaboration a également été étroite en matière de sécurité de l'information et de protection des données : « La sécurité de la plateforme est un enjeu clé. C'est la raison pour laquelle, le projet Justitia 4.0 nous a fourni les résultats des analyses et des audits menés à ce sujet, ainsi que tous les éléments nécessaires permettant à l'équipe de projet informatique de mener ses analyses de risques liés à la sécurité de l'information et à la protection des données. La revue de ces éléments a permis d'enrichir les analyses déjà menées par l'équipe Justitia 4.0. »

Afin de suivre l'avancement du pilote et les mesures convenues, une réunion hebdomadaire est organisée au niveau opérationnel, à laquelle participe, outre le chef de projet Rémi Fillet, son homologue de l'équipe de projet nationale. La mise en place d’un point de contact unique permettant de centraliser les demandes du projet genevois a considérablement accru l'efficacité de la collaboration.

Pour les autres cantons qui se préparent au projet pilote de justitia.swiss, Rémi Fillet donne la recommandation suivante : « Il ne faut pas sous-estimer le temps de préparation, notamment dû à la multiplicité des parties prenantes. » Son conseil pour un canton pilote (ou non pilote) : prendre contact suffisamment tôt avec l'équipe de projet Justitia 4.0 et profiter ainsi de l'expérience des premiers cantons pilotes.

Rémi Fillet, Chef de projet eDossier judiciaire du Pouvoir judiciaire de la République et du canton de Genève

Une stratégie de test, deux objectifs

Comme le mentionne Rémi Fillet, la stratégie de test pour le projet pilote de la plateforme poursuit deux objectifs principaux : d’une part, vérifier que la plateforme réponde aux principaux besoins identifiés par le Pouvoir judiciaire genevois et d’autre part vérifier la cohérence entre la plateforme et les processus de travail envisagés. Pour le lancement du pilote, cette stratégie de tests a été déclinée dans une démarche en deux étapes : une première étape avec des tests menés par l'équipe informatique et une seconde étape avec des tests menés par les participantes et participants issus de la juridiction pilote sur l'environnement test (TRAIN) de la plateforme justitia.swiss.

Lors de la première étape, l'équipe de projet a mené des tests libres et guidés et a revu les résultats des tests réalisés par le projet Justitia 4.0. Après avoir révisé les écarts par rapport au référentiel d'exigences du Pouvoir judiciaire, l'équipe projet a donné son accord pour le démarrage des tests métier avec les participants de la juridiction pilote.

Lors de la deuxième étape, les participantes et participants de la juridiction pilote ont mené des tests sur la base de scenarii fournis par l'équipe de projet. Après revue des résultats, la juridiction pilote a donné son feu vert pour l'utilisation de la plateforme avec des procédures réelles, marquant ainsi le lancement du pilote.

Accompagnement ciblé des utilisatrices et utilisateurs

Outre la préparation technique du projet, l'accompagnement des personnes qui travaillent avec la nouvelle plateforme a également constitué un aspect central du travail de l'équipe de projet genevoise. « Nous avons tout d'abord organisé une formation permettant d'appréhender la plateforme et d'en maîtriser l'utilisation. Une formation complémentaire sur l'utilisation de la signature électronique qualifiée a aussi été menée. », explique Rémi Fillet. L’équipe de projet informatique du Pouvoir judiciaire a complété ces mesures par des manuels d'utilisation et des instructions pratiques qui ont été élaborés avec la juridiction pilote. Enfin, un dispositif de support aux utilisatrices et utilisateurs a été mis en place avec l'équipe projet genevoise en tant que premier point de contact, afin de répondre au mieux et le plus rapidement possible aux sollicitations des participants.

L'équipe de projet a accordé une attention particulière à l'accompagnement des avocates et avocats. Le Pouvoir judiciaire a envoyé par l'intermédiaire de l'Ordre des avocats de Genève une notice présentant le projet pilote à toutes les avocates et tous les avocats affiliés. Parallèlement, l'équipe de projet a rédigé un manuel utilisateur, mettant à disposition des avocates et avocats les informations nécessaires concernant notamment les sujets suivants : l'utilisation de la plateforme, l'identifiant cantonal, la signature électronique qualifiée et le dispositif de support. Enfin, l'équipe projet a mis en place une organisation pour répondre aux demandes des avocates et avocats.

Les défis de la phase préparatoire

Malgré une planification minutieuse, la phase de préparation a comporté quelques défis à relever pour l’équipe du bout du lac. L'intégration du gestionnaire d'identités s'est avérée particulièrement complexe, selon Rémi Fillet : « Les défis principaux que nous avons eus à relever concernaient la multiplicité des parties prenantes (Pouvoir judiciaire, OCSIN, Justitia 4.0, Zühlke qui développe la plateforme), la complexité technique, ainsi que l'importante sensibilité en termes de sécurité. » Grâce à une collaboration étroite et une communication directe entre les différents intervenants, les experts ont progressé ensemble efficacement.

La préparation de la demande d'autorisation adressée au DFJP a également été exigeante : « L'absence d'expérience dans la rédaction de ce type de demande a engendré un effort significatif de la part de l'équipe Justitia 4.0 et de l'équipe genevoise pour identifier les informations à fournir et élaborer ladite demande d'autorisation. » Grâce au soutien de Justitia 4.0, la demande a pu être soumise dans les délais impartis.

Des défis sont également apparus dans le cadre de l'élaboration d'un accord de procédure, visant à cadrer la collaboration entre le Tribunal civil et les avocates et avocats participants : « La complexité résidait ici dans l'identification et la description détaillée des modalités de collaboration dans le cadre du pilote, pour garantir des processus clairs et optimaux. »

Conseils aux cantons : ne pas sous-estimer le temps de préparation

Pour les autres cantons qui se préparent au projet pilote de justitia.swiss, Rémi Fillet donne la recommandation suivante : « Il ne faut pas sous-estimer le temps de préparation, notamment dû à la multiplicité des parties prenantes. » Son conseil pour un canton pilote (ou non pilote) : prendre contact suffisamment tôt avec l'équipe de projet Justitia 4.0 et profiter ainsi de l'expérience des premiers cantons pilotes.

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